Concert acousmatique mardi 28 février 18h30 Conservatoire de Nice

 « Jeîta », ou Murmure des eaux  de François Bayle

  • Projection du son : Natalia Ardis, Mariia Dopiro, Noémie Halter, Lucian Nasica, Heja Can Deniz, Elise Heinisch, Fredo Piraino  

sur le grand orchestre de haut-parleurs (acousmoniun), 40.1 voies de projection installées dans l’auditorium du conservatoire (700 places).


  • Créée le 4 février 1973 à Paris, cette œuvre d’un compositeur emblématique de la musique électroacoustique est un jalon remarquable du genre.

Voici ce qu’écrit le compositeur à son sujet :

D’abord écarter le risque d’un possible malentendu : les murmures des eaux ou des ondes, le picotement rythmique des gouttelettes, le frisson des chuchotements, les “bruits”, pour évocateurs qu’ils soient ne jouent aucunement à la description. Pour reprendre le titre fameux de Magritte, ceci n’est pas une grotte !

Certes il en fut une, étonnante, que j’eus la chance de connaître encore intacte, et qui s’ouvrit pour la première fois au public lors d’un concert inaugural où je mis en jeu cet instrument acoustique fabuleux, cette immense oreille au creux de laquelle nous étions par extraordinaire les premiers tympans.

Mais de ce souvenir merveilleux il fallait une trace en forme de réflexion. Revenu au studio avec de nombreuses bobines (échos de stalactites, froissements d’eaux, chants d’ouvriers du chantier ou éléments du concert) j’en tirai 17 études, chacune conçue à partir d’une forme dynamique choisie dans ce matériau. Faut-il le qualifier de “concret” ? Sans doute, du point de vue du mode opératoire et des ressources du son capté.

Pourtant avec cette musique j’avais à cœur d’inaugurer une méthode “abstraite” (ni causale ni narrative) de traiter l’organisation sonore. En agençant des déploiements d’énergies, il me semble que se renouvelait l’idée du développement, et du coup s’ouvrait l’horizon acousmatique, celui d’une musique de formes et de -mouvements accordés. La grotte considérée devient alors celle, symbolique, où la nature au travail élabore ses modèles innombrables, à l’abri du hasard et du temps.

Cette promenade ou ce carnet d’études sur les métamorphoses dynamiques des figures sonores, s’inspire du croquis d’après nature.

Les titres donnés s’adressent (en imagination) aux yeux ; les vraies intentions, celles des qualités du son et de l’écoute, sont cachées dans les brèves indications suivantes :

[index du CD Magison volume 13 et du CD 1 du coffret François Bayle 50 ans d’acousmatique]  

1   murmure des eaux                           [index 1]                 3’05

Contrepoint de deux dessins, l’un est un tissu rythmique formant un premier “tempo d’énergie” d’apports ponctuels assez rapides, l’autre est donné par un second tempo très large de formes d’énergie dense.

2   cloches fossiles                                [index 2, à 3’06]    1’19

D’abord un dessin en intervalles de hauteurs, puis glissement progressif des accents d’attaque sur les résonances multipliées en légers échos.

3   murmure des abeilles de pierre       [index 3, à 4’25]    3’41

Sur une double texture de battement, jeu d’équilibre et d’intervalles de plans sonores, articulés par des ponctuations en coupe.

4   bouche d’ombre                               [index 4, à 8’16]    1’27

Mouvements liés, intervalles de couleurs, progression de trajectoires.

5   rêverie de la multiplication              [index 5, à 9’43]    2’50

Retour à une variation du tissu rythmique du premier mouvement décomposé (démultiplié), s’opposant à un fond d’énergie lisse en crescendo ; après une césure, reprise des jeux de cellules rythmiques, decrescendo.

6   le vaisseau Nadir                             [index 6, à 12’39]  2’50

Nappes lisses d’énergie intense formant intervalles de couleurs, puis en frange, résolution en volutes harmoniques et dynamiques, (comme des fumées après une flamme).

7   oracle                                               [index 7, à 15’29]  1’10

Variation sur tissu rythmique de groupes et saccades d’accents ponctuels, et légères rafales autour d’un choc conclusif.

8   murmure des eaux                           [index 8, à 16’44]  1’05

Reprise en spirale descendante du mouvement 2, en contrepoint d’une nappe étale -pivotant plusieurs fois sur trois zones de couleur.

9   l’eau verticale                                  [index 9, à 17’49]  1’20

Jeu d’énergies opposées, des compressions-détentes répondant à leurs formes inversées.

10 ailleurs                                            [index 10, à 19’09] 2’26

Volutes mélodiques, ordonnées par un intervalle de seconde descendante qui forme motif en même temps que support d’accents-détentes.

11 rêverie de la résonance                   [index 11, à 21’47 ] 2’58

Symétrique du mouvement 1, ce onzième est chargé de communiquer non plus un “tempo d’énergie” mais une longue ondulation fluctuante de l’éventail des harmoniques d’une fondamentale-pivot. Quelques dessins d’intervalles, comme de brefs rappels. L’entrée et la sortie ; décrochement et rétablissement de la notion de temps.

12 “eau-forte”                                     [index 12, à 24’46 ] 2’52

Tracé plastique de figures aux couleurs opposées, aux formes inversées ; la pierre et la “gravure”, le modèle et l’image.

13 murmure des dentelles d’eau          [index 13, à 27’45] 5’19

Lentes bascules de légers équilibres qui trébuchent ; construction d’alvéoles dont la perspective se détermine en forme d’intensité.

14 intervalles d’eau                             [index 14, à 33’03] 0’54

Intervalles de tempi, de hauteur, d’énergies, de couleurs et de dessins mélodiques, en mosaïque libre.

15 écritures murmurées                      [index 15, à 33’57] 1’12

Jambages, syllabes, cellules élastiques en multiplication sans oublier les virgules et les points.

16 oracle                                              [index 16, à 35’14] 2’48

Développement en deux séquencessuccessives : la première en préparation très étirée, en accents ou soupirs, la seconde brusque résolution de trajectoires mélodiques et dynamiques, crescendo d’énergie.

17 murmure des eaux                          [index 17, à 38’02] 1’45

Final en dernier rappel du mouvement 2. Deux variations en tierce d’une figure d’intervalles et de roulements qui évoquent fugitivement le piano (Chopin et Debussy).       

                                 

François Bayle est né en 1932 à Tamatave, Madagascar

On peut imputer à une enfance « non occidentale », à une formation musicale plus ou moins nomade et principalement autodidacte, son adaptation naturelle au caractère problématique des musiques expérimentales, surtout dans la situation des années 60, génération dans laquelle il se situe dans ses débuts de compositeur.

Responsable du GRM (Groupe de Recherches Musicales) en 1966, d’abord auprès de Pierre Schaeffer (Service de la Recherche de l’ORTF), puis au sein de l’INA (1975-1997), c’est à travers ces organismes au destin original que François Bayle rassemble et constitue les éléments de son expérience, acquiert et développe ses techniques personnelles d’un métier du son acousmatique.

Quittant le GRM en 1997, François Bayle installe son propre atelier audionumérique et multiphonique : le Studio Magison où il se consacre désormais complètement à la recherche, l’écriture et la composition.

Jeîta-retour : Année de composition, 1999, durée: 5:23