Christine Groult La condition captive, Michel Pascal Never Die A, Denis Dufour Rivages de la soif et In Paradisum, Bernard Parmegiani La roue Ferris.
Œuvres projetées sur l’acousmonium 48 voies dans l’auditorium du conservatoire par Fabrice Santoro, Céline Chambret, Noémie Aouizerate, Riccardo Correggi, Fredo Piraino, Heja Can Deniz
La condition captive (2003) 12’38
au moulin de Carrouges
Commande de l’état et du festival “ Caen soirs d’été ” pour un concert en plein air dans l’enceinte du Château de Caen.
La guerre d’Irak m’a une fois de plus fait douloureusement sentir qu’on était captifs de l’idéologie manichéenne. Sommes-nous irréversiblement pris dans des pensées récupératrices de toutes sortes ?
Ce drame a réveillé en moi la violence et le cataclysme liés au traumatisme subi lors de la destruction brutale d’une maison.
C’est l’image du cocher et de son char, cher au Véda. A l’image du cocher, l’âme est obligée de subir l’emballement du cheval. Et lorsque le Cocher réussit à maîtriser la bête alors l’âme peut descendre du char et se libérer du corps.
Notre captivité, c’est notre condition humaine.
La plupart de mes idées musicales ont été imaginées et déterminées par le lieu de diffusion de cette musique dans l’enceinte du Château de Guillaume le Conquérant à Caen, en plein air.
Christine Groult
Si les moyens électro-acoustiques sont au cœur de la démarche compositionnelle de Christine Groult, la qualité expressive des sons choisis et l’émotion qui s’en dégage demeurent cruciales pour elle, aussi bien au moment où elle décide de les enregistrer qu’à celui où elle les transforme car, ce qui l’intéresse avant tout, » c’est le potentiel poétique des sons et la recherche de nouvelles dramaturgies ». J.Y.Bosseur
Elle pratique la composition concrète/acousmatique, travaille en collaboration avec d’autres artistes et poursuit sa recherche sur l’improvisation, le live et la collaboration avec des instrumentistes expérimentaux. Elle conçoit des scénographies musicales qui unissent la musique et le lieu dans des sites porteurs d’imaginaire.
Christine Groult a été élève à la fois, au Groupe de Recherches Musicales (GRM) de Radio France, au conservatoire expérimental de Pantin et à la Sorbonne en musicologie et linguistique. Elle a été assistante au département de pédagogie à l’IRCAM. Ensuite elle a enseigné la composition électroacoustique au Conservatoire de Pantin jusqu’en 2015.
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Never Die A
Never Die est l’un des noms donnés à l’arbre Moringa, originaire du sud de l’Himalaya. Sur sol riche comme sur sol pauvre, il est très peu affecté par la sécheresse et grandit rapidement, qu’il soit semé ou coupé. Appelé « arbre miracle » pour ses vertus médicinales, il est aussi capable de purifier les eaux polluées en détruisant 90 à 99% des bactéries, une ressource précieuse face à l’inévitable guerre de l’eau, promise au futur proche, lorsque la somme des eaux captives de la planète menace de passer de nécessité à notre survie, à l’état de poison délétère.
« Considérez une plante, admirez un grand arbre, et voyez en esprit que ce n’est qu’un fleuve dressé qui s’épanche dans l’air du ciel. L’eau s’avance par l’arbre à la rencontre de la lumière. L’eau se construit de quelques sels de la terre une forme amoureuse du jour. Elle tend et étend vers l’univers des bras fluides et puissants aux mains légères. »
Paul VALÉRY
Commande d’Etat, mixé dans les studios de Musiques Recherches et créé à Bruxelles en 2015
Michel Pascal a investi une grande variété de répertoires : musiques acousmatiques, instrumentales, vocales, live electronic, théâtre musical, installations interactives, musiques d’applications pour l’audiovisuel ou la danse. Si son style peut de ce fait varier considérablement selon les productions, il reste cependant fidèlement attentif à un raffinement de l’écriture entre note et son. Un axe fondamental de son travail concerne la mutation des instruments par leur liaison aux nouvelles technologies. Dans le domaine acousmatique, il en résulte des musiques essentiellement dépendantes du support, mais qui n’absorbent pas totalement gestes et sons instrumentaux, ce qui l’a conduit à qualifier ce mode de composition d’acousmatique instrumentale. Aux claviers électroniques, il s’est attaché à développer un type d’expressivité qualifié d’à l’intérieur même du son, travaillant avec des musiciens pratiquant aussi bien les musiques écrites que l’improvisation. Il enseigne au Conservatoire de Nice – Université Côte d’Azur.
Denis Dufour
Après des études classiques aux CRR de Lyon et CNSMD de Paris, Denis Dufour (1953, France) est devenu un créateur sonore reconnu tant dans le domaine de la musique instrumentale que dans celui de l’art acousmatique, avec plus de 180 œuvres composées à ce jour. Parmi les pionniers de l’approche morphologique et expressive du son, incluant dans son travail le plus large spectre des dimensions du phénomène sonore, il a, à la suite de Pierre Schaeffer et Pierre Henry, contribué a faire émerger un genre musical fertile qui influencera consciemment ou non de nombreux musiciens et artistes.
Enseignant de 1976 à 2021 (Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris Boulogne-Billancourt, Conservatoires régionaux de Paris, Perpignan et Lyon), chercheur (notamment au GRM jusqu’en 2000), conférencier, et intervenant dans des stages, ateliers et classes de maître en France et à l’étranger (Japon et Italie plus particulièrement). Organisateur et directeur artistique de nombreuses manifestations dédiées à la création contemporaine (cycles Acore à Lyon, Syntax à Perpignan, Musiques à réaction à Paris, Festival Futura dans la Drôme), il est à l’origine de plusieurs structures, collectifs et formations instrumentales qui continuent d’irriguer la vie musicale en France et dans le Monde (Motus, Syntax, TM+, Ensemble Linea, Les Temps modernes…).
Rivage de la soif 2011 éditions Maison ONA
• Huitième des neuf pièces du cycle Les Acousmalides, réalisée dans le studio du compositeur à Paris à la demande de Philippe Mion et Jacques Lejeune
• Prises de son : Denis Dufour
• Voix : Eugénie Kuffler
• Texte : Thomas Brando
La soif pour tout royaume, et une quête éternelle en héritage. Tel est le seul bagage que le voyageur égaré emporte dans cette errance poussée par le vent, à la rencontre de traces, de parfums, de présences évanouies, sur une terre bordée de rifts, parcourue de tumbleweeds, aux lisières de la zone et de l’Arizona. Deux messages se succèdent, ni tout à fait le même, ni tout-à-fait un autre. Une voix s’imprime, fugace dans les nuages. Un amour disparaît, la trace d’un pied nu s’efface. Mirage double du désert, rivage inatteignable à la nage. Et pourtant si proche, si concret, voici que ce contact à peine esquissé s’effrite. Et par-dessus tout, la liberté offerte au monde de nous échapper entièrement. [Thomas Brando]
« La musique acousmatique est vite apparue comme le lieu d’une nouvelle théâtralité, que la poésie s’est empressée d’habiter. Denis Dufour s’est emparé des textes de Thomas Brando pour en délivrer une interprétation musicale, comme l’avait fait deux siècles plus tôt Franz Schubert pour les poèmes de ses amis… Usant de toutes les libertés du studio électroacoustique, de la puissance et la subtilité des outils analogiques et numériques, il s’est approprié chaque texte pour en triturer le son et le sens par toutes sortes de manipulations et de multiplications, le mettre sens dessus dessous et en faire infuser la quintessence, l’occultant par moments au profit d’une pure musicalité, le soulignant à d’autres, l’intégrant à la pâte sonore de chacune de ses musiques. Loin de considérer le travail de composition comme une illustration obligée, il se distancie si nécessaire de l’intelligibilité du texte pour oser le traiter comme un véritable matériau. » [Jérôme Nylon]
Bernard Parmegiani né à Paris le 27 octobre 1927, mort à Paris le 21 novembre 2013
Il passe son enfance entre deux pianos : celui de sa mère, professeure, et celui de son beau-père, soliste international. Il apprend la prise de son radiophonique en qualité d’assistant opérateur, puis complète cet enseignement au Service Cinéma des Armées. Il devient alors ingénieur du son à la RTF Télévision. Parallèlement il étudie le mime avec Jacques Lecoq. Cette expérience lui fait prendre conscience du découpage de l’espace par son corps qu’il applique alors dans sa composition musicale : le « découpage de l’espace par le son spatialisé » à l’aide de haut-parleurs.
Alors qu’il réalise ses premiers bidouillages à la Maison des Lettres, il rencontre Pierre Schaeffer qui l’entraîne au Studio d’Essai et l’encourage à suivre le stage de musique électro-acoustique. À son issue il intègre le groupe de recherches musicales (GRM) dont il devient membre permanent de 1959 à 1992. Tout en participant à la recherche musicale, Parmegiani entreprend une œuvre solitaire de compositeur qui n’aura de cesse d’affiner son instrument : le son. En 1975, il achève le De Natura Sonorum qui deviendra une œuvre de référence pour la musique électro-acoustique, mais aussi pour la jeune génération « électro ».
Dans les années 70, l’ère des médias électroniques imaginée par Marshall McLuhan est dans l’air du temps, Parmegiani étend alors ses recherches à l’art vidéo et crée ses propres images. Il réalise L’Œil écoute (1973), L’Écran transparent (WDR, 1976), Jeux d’Artifices (INA, 1979), une façon pour lui de se pencher sur le lien entre l’œil et l’oreille, car « peut-être qu’à trop regarder, l’homme finit par ne plus écouter. Et, l’œil, devenu le promeneur solitaire n’a d’oreille que pour ce qui l’agresse ».
Son catalogue ne comprend pas moins de 147 opus (pièces pour concert dont certaines comportent plusieurs versions différentes, théâtre musical, collages sonores, œuvres radiophoniques. Il collabore également avec des chorégraphes, cette expérience l’incite à créer lui-même des actions musicales où l’apparition du son dans l’espace scénique est l’occasion d’un jeu tour à tour humoristique et dramatique. Il faut ajouter à cela des musiques de films (courts et longs métrages, cinéma d’animation ou expérimental, des téléfilms, des musiques de scène (danse, théâtre et mime), des génériques de télévision, des indicatifs radio, un sonal d’aéroport.
Son œuvre a fait l’objet de nombreuses récompenses :
- 1979 : grand-prix de l’Académie du disque français
- 1981 : Prix de la SACEM
- 1990 : Victoires de la musique dans la catégorie « création de musique contemporaine de l’année » pour La création du monde
- 1991 : Prix magister, concours internationaux de Bourges
- 1993 : dans la catégorie « computer music »
- 2006 : Qwartz Pierre Schaeffer
- 2008 : Grand Prix de l’Académie Charles Cros pour le coffret de 12 Cd édité par l’INA/GRM
source : https://www.musicme.com/
La Roue Ferris
Créée le 26 août 1971 au Festival des Chantiers Navals à Menton, cette pièce envoûtante et efficace, mécanique et organique, est sans doute l’apogée de la manière répétitive du compositeur, ce qui signifie chez lui la tentative de capturer un “instant perpétuel”. La Roue Ferris est le nom que donnent les Mexicains à un cercle garni de feux d’artifices qui tourne et s’envole en se consumant. Machine sauvage et folle, elle symbolise le mouvement du temps qui s’éternise et s’abolit par des répétitions cycliques. « Elle tourne encore, confondue elle aussi avec sa propre résonance dont elle entretient, avec acharnement, les variations. Le merveilleux naît et meurt, nous laissant l’illusion de sa durée. Elle se déplace dans des circonvolutions. L’espace s’en accapare. Il n’en reste plus rien… et les martinets tournoient dans cet espace libéré, comme pour prolonger ce symbole de la fête. »
Régis Renouard Larivière, Bernard Parmegiani.
In Paradisum Denis Dufour 2013 éditions Maison ONA
• Remerciements pour ses conseils : Hamish Hossain
• Création à Saint-Leu-la-Forêt, Église Saint Leu-Saint Gilles, le 9 février 2013 lors du festival L’Hiver musical par Jonathan Prager sur acousmonium Motus
In Paradisum s’appuie sur la première des sept parties d’Ebene Sieben, œuvre composée par Denis Dufour en 1997. Le titre déjà, évoque l’éden amoureux. Bien plus qu’un “remix”, l’œuvre décantée, minimale, conduit l’auditeur dans les délires immobiles d’une extase purgée de tout effet, dans le retour à un son originel, dont il est usé sans fard. Les “adolescents dans la fournaise” (hommage au Gesang der Jünglinge de Stockhausen) semblent promis à quelque aride paradis en effet, vaste et silencieux, espace de contemplation sur fond de dérives vaporeuses prises à Fauré. [Jérôme Nylon]