Un acousmonium est un orchestre de haut-parleurs. C’est un terme introduit au début des années soixante dix par François Bayle , qui cherchait un instrument adéquat pour la projection du son dans la salle de concert, convenant aux musiques acousmatiques.
Acousmatique est un terme emprunté par Pierre Schaeffer, il fait référence au nom des disciples de Pythagore qui devaient écouter l’enseignement du Maître de l’autre côté d’un rideau. Afin qu’ils se concentrent sur le contenu du message, leur vision était ainsi ôtée en tant qu’élément potentiellement perturbateur. Dans le cadre de la musique, le terme signifie qu’il n’y a strictement rien à voir : pas de geste instrumental, pas de prévision possible sur la nature des sons qui va surgir de la membrane neutre des haut-parleurs. Le spectateur n’est en relation qu’avec l’audition « pure » de la musique.
Très tôt les compositeurs ont voulu multiplier le nombre de haut-parleurs afin de pouvoir contrôler le mouvement des sons dans l’espace. Deux tendances se sont développées. L’une consiste à privilégier l’homogénéité et la neutralité de chaque source, l’autre, celle de l’acousmonium, consiste au contraire à les singulariser, un peu comme les timbres instrumentaux le sont au sein d’un orchestre (le piccolo, la contrebasse, la percussion ne peuvent pas jouer la même chose, et le compositeur se sert de ces différences pour l’expressivité de sa musique). La personne qui projette le son partage ainsi un certain nombre de contrôles sur le son avec l’interprète instrumental : tous deux peuvent intervenir en temps réel, et en interaction avec la réponse de la salle sur les rendus sonores, les contrastes dynamiques, la richesse du timbre.
L’instrumentiste possède un avantage sur le plan agogique, car il peut aisément modifier le tempo, la rythmique, l’apparition des sons dans le temps, un paramètre auquel l’interprète acousmatique n’a plus accès, la fixation de la temporalité étant définitivement inscrite sur le support par le compositeur, avec la plus grande précision.
L’acousmonium permet en revanche un acte d’interprète très puissant sur la mobilité spatiale des figures sonores, une donnée qui est définitivement hors de la portée de l’instrumentiste (il pourrait se déplacer physiquement dans certains cas, mais c’est sans commune mesure avec la vitesse d’action et la versatilité offertes par la multiplicité des sources d’un orchestre de haut-parleurs convenablement réglé). Le contrôle de la hauteur n’est en principe pas offert à l’interprète acousmatique, mais bien que l’instrumentiste puisse le maîtriser de manière très fine, en général, l’écriture du compositeur nécessite que la hauteur soit le plus parfaitement définie par la partition, et sa mobilité n’est pas non plus un point offert à l’interprétation dans la musique classique.
Il existe toutefois aujourd’hui un certains nombre de cas où la musique électroacoustique permet également de contrôler hauteur et durée via une projection acousmatique.
Dans les musiques acousmatiques, l’interprétation de la spatialisation est donc une donnée fondamentale du concert. C’est même un des points qui permet la différenciation entre l’écoute domestique et celle du concert.
On peut écouter l’enregistrement d’un concerto sur CD, et y trouver une réalisation quasi parfaite de l’œuvre, de la pensée musicale du compositeur, perfection qui sera rarement équivalente au concert où l’on doit gérer les particularités acoustiques de lieux différents, et pour des auditeurs placés à des endroits différents. De la même manière, on peut écouter chez soi un mixage de musique réalisée expressément pour l’écoute domestique, en stéréo, ou en multiphonie comme c’est le cas aujourd’hui pour beaucoup de bandes son de films, mais ce sera une réduction drastique de l’aspect spectaculaire de la projection du son en concert..
Avec l’acousmonium il est possible de s’adapter à une acoustique spécifique, de faire sonner la musique dans un volume architectural de très grandes dimensions, avec une dynamique et un jeu de l’espace qu’il ne sera pas plus possible de faire entrer dans son salon, que l’orchestre symphonique du concerto précédemment cité.
Les acousmoniums, comme les orchestres , ont des dimensions variables. Le musicien électroacousticien dispose couramment d’une console équipée d’au moins 24 potentiomètres linéaires à grande course (faders), chacun d’entre eux est relié à un haut parleur différent, dont on peut régler la réponse spectrale (l’égalisation, le timbre), et contrôlé par les mains du musicien qui fait la projection sonore. Certains acousmoniums peuvent offrir 48 voies, et rien n’interdit d’aller encore plus loin, si ce n’est la difficulté de n’avoir que ses dix doigts pour jouer avec l’ensemble.
Pour les traditionnelles œuvres en stéréo, on conduit le son de chacune des deux pistes vers le haut-parleur de chaque paire à gauche, et à droite. Mais on peut également croiser les paires, ou créer des paires disparates. On spécialisera également certains haut- parleurs dans un rôle particulier : ne passer que les extrêmes graves (sub-basse), ou que les extrêmes aiguës (tweeters), ou que les médiums… Certaines paires permettront de dessiner une fenêtre ouverte sur un espace fictif localisé à un endroit de la salle, ou au contraire apparemment venant de l’extérieur (écoute en reflex).
Dessiner également des surfaces de son planes de plus ou moins grandes dimensions, orientées dans diverses directions, des écoutes tolérant les très fortes puissances (effet orchestral) ou plus serrées en un lieu bien défini (solistes), créer des lignes de fuites, des possibilités de déplacements tournant, des effets de mouvements des morphologies musicales dépendant de la zone du spectre, donnant la sensation d’une polyphonie de déplacements dans l’espace.
Bien que ce ne soit pas la tradition originelle, il est également possible d’affecter un certain nombre de haut-parleurs (souvent huit) au jeu de sources spécifiques d’un mixage multipistes. Dans ce cas, la multiplicité des sources peut également rendre compte d’une composition pré-établie de l’espace, d’une plus ou moins grande quantité de sources ponctuelles identifiables à un moment donné.
L’installation technique de l’acousmonium, les choix de disposition de chaque haut-parleur dans l’espace, leur réglage fin, tout cela prend évidemment un temps très conséquent, et entre déjà dans le cadre de l’interprétation en permettant un certain nombre d’actions, et en en occultant d’autres. Il est enfin possible aujourd’hui de construire peu à peu et d’automatiser indépendamment le mouvement de chacune des réglettes de la console, dépassant la limite des dix doigts. Cette option ouvre un nouveau champ très particulier d’interprétation pré-enregistrée, qui se rapproche plus du concept d’installation, car l’interaction entre l’interprète et son public s’y trouve quasiment éliminée au moment du concert.
Du point de vue technique l’acousmonium du conservatoire de Nice est actuellement capable de jouer 48 voies. Il est équipé des haut-parleurs suivants :
Amadeus MPB200+sub – APG DS12+sub, MX1 – Genelec 1038, 8050, 8040 – KSAudio CPD04 – Meyer Sound CQ1, UPA+sub, MM4XP – UREI811 – Yamaha Control23 – divers haut-parleurs colorés, non pleine bande ou omnidirectionnels : Bose, Bouyer, Rondson…
et des tables de mixage suivantes :
3 Behringer numériques X32 Dante
1 Mackie analogique 8 bus
la lecture et le traitement audio est assuré par un ordinateur portable MacbookPro assorti de deux Ipad utilisables pour contrôler certaines zones de spatialisation